Gouverner son territoire à l’ère du numérique
Compte rendu réalisé par Brigitte Doucet, Regional-IT.
Sixième édition du séminaire annuel de FuturoCité dédié, désormais traditionnellement, à la “gouvernance de la donnée”, en l’occurrence de l’open data, au service du territoire.
Pour cette sixième édition, le panel d’intervenants avait été choisi afin de refléter la diversité potentielle des thématiques et problématiques qui peuvent utilement s’emparer d’une gestion vertueuse de la donnée publique afin de procurer un meilleur service, que ce soit en interne ou à destination du citoyen. Thématiques et problématiques d’autant plus intéressantes à faire progresser qu’elles constituent le quotidien des collectivités et des responsables locaux.
La gestion de la donnée, de la donnée “ouverte” (“open data”), rappelait Nicolas Installé, directeur de FuturoCité, c’est un outil essentiel pour la gestion du territoire, au quotidien ou dans une optique prévisionnelle. C’est la mise en œuvre de données qui soient davantage pertinentes pour tous les acteurs – et destinataires – concernés. C’est aussi un instrument d’amélioration tangible des différentes politiques qui relèvent de la compétence et de l’autorité des administrations locales – tourisme, mobilité, gestion des déchets, des travaux…
La donnée, “carburant” dans tous les domaines…
… Le tourisme – Démultiplier les perspectives
Bien connaître le visiteur, le badaud, le touriste, l’hôte de passage, grâce aux multiples “traces et signaux” que chacun désormais génère ou laisse derrière lui, traces et signaux qui sont captés, collectés, agrégés par des outils technologiques. Sans pour autant empiéter sur sa vie privée.
Ce type de démarche peut être utile à de multiples égards pour un territoire local.
L’Office wallon du Tourisme a ainsi sollicité Proximus pour réaliser deux projets-pilote aux Lacs de l’Eau d’Heure et à l’abbaye de Villers-le-Ville qui ont permis de dégager toute une série d’enseignements pertinents pour l’amélioration de l’accueil, le réaménagement potentiel des sites concernés, la mise en œuvre ou la réorientation de services, le lancement de campagnes promotionnelles ciblées…
Les données collectées – télécom, géolocalisation, dépenses… – proviennent de diverses sources ou dispositifs : les smartphones des usagers (données mobiles), des capteurs déployés sur site (capteurs infrarouges bidirectionnels pour le comptage par zone, capteurs WiFi, caméras…), des bases de données tierces (statistiques officielles, données d’opérateurs de paiement…).
Le croisement de ces données permet de dégager des correspondances, des profils, des indicateurs de “comportement”. En contraste saisissant avec ce qu’il était jadis possible de connaître des visiteurs et touristes via la traditionnelle méthode de sondage-minute. “Par le passé”, explique par exemple un responsable de l’abbaye de Villers-la-Ville, “la seule information que nous demandions aux visiteurs était leur province ou pays d’origine.”
Désormais, le “profil” se fait nettement plus précis. En croisant les données, il est possible de déterminer non seulement la région d’origine d’un visiteur mais aussi le chemin qu’il a emprunté pour se rendre sur un site, combien de temps il a passé sur site ou dans la région (et où), d’établir des corrélations éventuelles entre son lieu d’origine et ses préférences sur site (type de lieu visité, d’achat effectué, de loisir privilégié, de durée de séjour, de fréquence de visite…).
En croisant les données avec les données socio-démographiques fournies par Statbel, il est même possible de déterminer la catégorie sociale (moyenne de revenu, composition du ménage…) qui est éventuellement attirée par tel ou tel type d’animation, événement ou “objet” touristique.
Le même genre de croisement de données (provenance géographique, niveau sociodémographique, mode de paiement) permet de renseigner les exploitants d’un site ou les responsables, locaux ou régionaux, en charge de la politique touristique, de déterminer le degré d’attractivité d’un événement, d’un lieu, d’une action promotionnelle… Ou encore de fournir aux acteurs économiques locaux (horeca, commerces, artisans…) des indications utiles sur l’impact de la politique, d’initiatives ou d’événements touristiques sur leurs propres activités.
Pour les décideurs publics, les organisateurs d’événements ou les exploitants de sites, une analyse de l’évolution des chiffres sur une ligne de temps (définie en semaines, mois, années) permet de mieux mesurer l’impact ou l’efficacité d’une politique, d’une action saisonnière, d’envisager des mesures nouvelles, de planifier des aménagements…
Les précautions d’usage sont néanmoins appliquées. Par exemple en agrégeant les données afin de constituer des cohortes anonymisées et empêcher ainsi toute (ré)identification d’individu…
La donnée appliquée au domaine du tourisme, c’est aussi l’occasion de mieux connaître et de faire découvrir son territoire. Tout comme le sondage-minute de Villers-la-Ville a fait place à une typologie détaillée et à une connaissance fine des publics visiteurs, les communes de Chaudfontaine et de Trooz ont trouvé dans une solution d’appli mobile le moyen de donner une toute autre dimension à la découverte et à l’utilisation “intelligente” des ressources touristiques et environnementales de leur territoire, au bénéfice d’une mobilité réinventée, de loisirs plus variés, d’une promotion mieux documentée des ressources locales.
A l’occasion de l’appel à projets Territoire Intelligent porté par Digital Wallonia, les deux entités ont en effet imaginé une appli de mobilité active, baptisée Fais tes Balises, qui allie exploitation de données géolocalisées, participation active des citoyens et une dose de gamification pour rendre balades et trajets plus amusants, voire informatifs.
L’appli devait répondre à plusieurs objectifs, notamment “procurer aux citoyens un outil intuitif et ludique et favoriser un changement de mentalité et de mode de vie” de la part des habitants ou des personnes de passage, explique Valentine Defraigne, responsable communications au sein de l’administration communale de Chaudfontaine.
Les parcours imaginés sont thématiques – gourmands, culturels, sportifs, à destination professionnelle… L’appli permettra à des utilisateurs de construire de nouveaux parcours et de les “baliser” au moyen d’informations, de contenus multimédias, de quiz et de défis ludiques. Pour les inciter à participer et/ou à enrichir le répertoire de balades, des récompenses sont prévues pour ceux et celles qui utilisent le plus de balades et contribuent à l’enrichissement du catalogue de parcours. Notamment sous forme de points à cumuler qui leur donnent droit à des avantages et privilèges (contenus enrichis) au sein-même de l’appli.
… La gestion des déchets – L’approche Petit Poucet
La perception est parfois qu’un projet smart city / smart territoire est une entreprise lourde, exigeante en ressources, nécessitant une approche globale – une possibilité mais pas une obligation.
La commune de Bertrix a développé une plate-forme de sensibilisation à l’auto-responsabilité de la population en matière de gestion des déchets. Le projet “Bertrix Zéro Déchet” combine démarche “à l’ancienne” et outils numériques. Chaque citoyen est invité à se créer un compte sur la plate-forme. Il pourra y consulter des fichiers d’informations thématiques sur la gestion des déchets, avec tutos et quiz, le poussant à approfondir ses connaissances et sa prise de conscience des enjeux environnementaux – à son échelle.
En scannant un QR code, il peut prendre connaissance et être averti d’événements Zéro Déchet. Toute participation lui permet de thésauriser des points qu’il pourra échanger contre des chèques-commerce (auprès des commerçants locaux) ou autres avantages.
La plate-forme tient également le compte des déchets qu’il soumet à la collecte hebdomadaire. La poubelle pucée collecte en effet cette information tout au long de l’année.
Ces divers éléments (consultation de fiches, réalisation de quiz, participation à des événements, optimisation de la masse de déchets placés dans les poubelles du ménage) sont assortis d’incitants ludiques (cumul de points) afin d’inciter les citoyens à devenir plus vertueux en termes écologiques. Ainsi, le ménage qui aura le plus allégé sa poubelle familiale à la fin de l’année (en fonction de sa composition de ménage) aura droit au remboursement de sa taxe communale Déchets, sous forme de chèque-commerce.
… L’efficience et l’optimisation énergétiques – Pas sans une participation active
Le collectif Jules Lesmart avait déposé un projet orienté optimisation énergétique du bâti wallon lors du concours GéoChallenge organisé conjointement par le SPW et l’AdN.
Baptisée “Go to 2030” [par allusion aux objectifs de réduction de 55% des gaz à effet de serre d’ici 2030], la solution imaginée est destinée à permettre à une commune – ou à un niveau supérieur de pouvoir territorial – de se faire une idée précise, via visualisation cartographique, de l’ensemble des projets de rénovation de bâtiments effectués, en cours ou planifiés, par des particuliers, des entreprises, les pouvoirs publics eux-mêmes, et d’en évaluer ou prédire l’impact environnemental. Cet outil pourrait ainsi venir appuyer utilement le Plan d’Action en faveur de l’Energie Durable et du Climat (PAEDC) de la commune et les rapports qu’elle doit générer sur les progrès accomplis dans la perspective d’une meilleure efficacité énergétique du territoire.
L’un des buts visés par le GéoChallenge, dans cette catégorie “du bâti wallon”, est de contribuer à la sensibilisation de toutes les parties concernées et de promouvoir projets et démarches d’optimisation.
Lors du développement du projet, l’équipe Jules Lesmart qui, pour la circonstance, s’est notamment reposée sur les compétences cartographiques de D2D3, a pu constater plusieurs problèmes causant encore des difficultés pour une démarche smart city / smart territoire efficace. Notamment, comme le soulignait Olivier Lefèvre, responsable du collectif Jules Lesmart, “une multitude d’initiatives [orientées efficience énergétique] mais peu visibles ; une multiplicité d’acteurs qui ne se coordonnent pas ; des informations disponibles de manière disparate, en formats variables, qu’il faut encore ré-encoder ; des fichiers (Excel, notamment) complexes, de structure spécifique à chaque commune, dont il n’est pas facile de récupérer les données. Il manque des données, des cadastres, des scores PEB des bâtis communaux…”
Autre constat : la nécessité impérieuse de faire participer toutes les parties prenantes, en ce compris les citoyens.
Le site Internet imaginé par l’équipe Jules Lesmart/D2D3 comporte donc également un volet participatif pour le citoyen. Via formulaire en-ligne, il peut communiquer à l’instance communale ses intentions de travaux ou des informations sur ceux (isolation, optimisation…) déjà réalisés. Et ainsi fournir à la commune les informations dont elle a besoin pour alimenter son PAEDC et documenter concrètement les gains réalisés en efficience énergétique au fil du temps.
Le projet Go for 2030 vise donc à collecter de multiples sources de données, à les visualiser sur une carte (infrastructures, programmes, actions), à y ajouter une couche de visibilité sur les paramètres financiers, budgétaires (économies réalisées ou potentielles en kWh, CO2, investissement) et temporels (agenda des travaux…).
“Il faut agir, sensibiliser l’ensemble des départements et services qui doivent entrer en jeu. Le but est de parvenir à une meilleure coordination au niveau des communes, à une meilleure gestion des bâtiments et projets, à une meilleure compréhension des investissements réalisés également par les citoyens et à un meilleur ciblage des actions.”
Et de lancer un appel aux responsables communaux qui seraient prêts à se lancer dans une démarche “zéro émission” via des projets de réduction, optimisation, voire compensation énergétique. Qui seront les preux chevaliers façon Fit for 55?
… L’aménagement du territoire – De la vue hélicoptère à l’action micro
Occupation du domaine public, cadastre des surfaces commerciales, gestion des cimetières… Ce ne sont là que trois exemples, illustrés lors du séminaire FuturoCité, des multiples facettes de l’aménagement du territoire ou de la gestion du patrimoine territorial où la donnée peut jouer un rôle majeur.
L’une des clés, comme le rappelait notamment Philippe Baijot, directeur de D2D3, c’est le maillage, l’interconnexion, l’intégration des données et des différents services. Raison pour laquelle les solutions cartographiques de la société se connectent à de multiples autres solutions – Civadis, Inforius, BeWapp, BetterStreet, FixMyStreet, solutions de gestion des taxes communales, des travaux, de l’urbanisme…
Raison pour laquelle également les solutions de D2D3 sont structurées en couches et niveaux de données. “Pour que nos logiciels puissent être utilisés par tous les services et tous les mandataires, sans imposer de réorienter demandes et requêtes vers une seule personne. Chacun a la possibilité de visualiser les couches cartographiques qui le concernent, ou encore de vérifier les demandes ou actions en attente.”
A Gerpinnes, commune rurale du sud de Charleroi, un projet de type smart territoire avait été esquissé dès 2019 dans le cadre de l’appel à projets Territoire Intelligent, afin de développer des solutions de gestion du patrimoine communal – via des solutions applicables aux utilisations du domaine public, des espaces de randonnées, lieux d’événementiel, aires de détente, etc. Le projet n’ayant pas été retenu par le jury, il a été quelque peu reconfiguré.
Premier module développé d’une future plate-forme smart city : un module de gestion de l’occupation du domaine public.
Via technique de visualisation cartographique en couches successives (avec intégration des bornes kilométriques puisées dans le GéoPortail de Wallonie), il est possible d’appliquer des filtres (travaux, événements…) afin de vérifier ou de prédire l’impact sur la mobilité, les quartiers impacté…
La base d’“objets” permettant de faire se matérialiser ces couches de visualisation d’impact, est potentiellement sans limites : sentiers et voiries, éclairage public, conduites de câble…
“Grâce à l’intégration des données Powalco [plate-forme informatique unique via laquelle les opérateurs communiquent et s’échangent des données en conformité avec les obligations du Décret Impétrant], on peut vérifier si un impétrant a bien introduit une demande et éviter ainsi que des travaux ne soient entamés sans autorisation”, explique Michaël Bertozzi, directeur de la division technique de Gerpinnes. “L’intégration avec StreetView permet de visualiser si un événement ou un chantier n’empiète pas sur un domaine privé. La solution permet également de détecter d’éventuels conflits, provoqués par un overbooking de l’espace public. La notification de conflit se fait par codage couleurs, permettant d’opposer un refus ou de mieux coordonner…”
Le module développé y ajoute encore d’autres fonctionnalités : génération d’arrêts de police pour les autorisations nécessaires, calendrier d’événements, suivi des demandes, duplication de demande pour “événements” récurrents, création automatique d’un plan de mobilité en fonction des travaux ou événements réservés…
La ville d’Ath, pour sa part, est passée du papier-crayon à l’informatique mobile pour l’élaboration d’un cadastre des enseignes publiques et des surfaces commerciales. Désormais, recensement, prise de mesures, enregistrement et envoi des données au logiciel de gestion des taxes communales se font en temps réel. Sans plus de longs et fastidieux réencodages. De même, une connexion vers le portail de la commune (solution OpenDataSoft) permet de déterminer quelles infos rendre accessibles au citoyen.
Outre les gains de temps, David Guilmot, responsable informatique de la ville, évoque également l’importance qu’il y a pour le développement local et l’élaboration d’une politique municipale de disposer d’informations à jour sur les commerces. N’est-il pas paradoxal que Google ou les réseaux sociaux soient mieux alimentés avec ce type de données qu’une administration communale?
Les cimetières sont des lieux qui, eux aussi, relèvent du “territoire” et qui méritent une gestion par la donnée afin d’en faciliter l’accès, l’aménagement, la gestion par toutes les personnes appelées à y intervenir, sous une forme ou une autre – depuis les fossoyeurs, pompes funèbres, employés communaux jusqu’aux familles et proches.
Avec CimWeb (de D2D3), solution cartographique de gestion des cimetières, cette gestion passe à l’ère de la visualisation 2D et 3D et de la gestion à distance. En plus des plans traditionnels, la solution est alimentée par des données topographiques relevées par drones et scanners. De quoi déterminer l’emplacement exact de chaque tombe, ses dimensions, caractéristiques, possibilités d’accès…
La solution procure également des fonctionnalités de planification des agendas de travaux, de gestion des stocks et ressources, ordres de mission…
Les responsables communaux peuvent ainsi planifier et gérer travaux et interventions sans plus se déplacer sur le terrain tandis que les familles, historiens, fleuristes peuvent consulter les plans et les rendus réalistes 3D afin de préparer une visite ou réaliser une analyse à distance.
Au-delà de la donnée. Les conditions et les effets
L’occasion d’une démarche transversale
Tout projet smart city, même d’envergure apparemment modeste, comme peut l’être le développement d’une appli mobile, peut être l’occasion d’adopter une perspective plus large, transversale et multi-facettes.
C’est ce qui s’est produit à Chaudfontaine lors du développement de l’appli Fais tes balises. “Nous avons abordé ce projet comme un projet transversal, qui ne soit pas uniquement au service du tourisme”, explique Valentine Defraigne. “Ce fut l’occasion de réfléchir à nos pratiques, d’identifier les différents processus qui seraient sollicités (mobilité, travaux, service population…) afin d’éliminer les blocages. La problématique de départ était un fonctionnement en silos, un manque de synchronisation entre services. On s’est aussi rendu compte qu’on connaissait mal les autres services.
Nous avons procédé à du brainstorming inter-services dès le stade de conception de l’appli. Fais tes Balises est devenu un projet d’évolution interne. L’outil développé devait venir en soutien à la transversalité. Il devait permettre de travailler sur une donnée unique et il était essentiel de centraliser les informations.
Le processus que nous avons ainsi développé sera appliqué pour l’approbation de tout nouveau parcours-balade qui sera proposé. Nous avons pu ainsi nous inscrire dans une optique d’ERP. La commune a gagné en intelligence au sujet de l’utilisation de ses données et du fonctionnement de ses processus. Le projet a débouché sur la création d’une smart team, opérant par-delà les services.”
Participation et implication de tous
On l’a vu au fil des projets exposés, motiver le citoyen à contribuer à l’élaboration ou à la réussite d’un projet ou d’une stratégie smart city peut prendre diverses formes. Gamification comme avec l’appli Fais tes Balises de Chaudfontaine, récompenses pour citoyens éco-vertueux à Bertrix. Avec en plus l’implication d’autres publics. A Bertrix, les bons comportements des uns (les citoyens) peuvent profiter à d’autres (les commerçants locaux). L’occasion de créer une dynamique collégiale.
La nécessité d’une participation ou contribution des citoyens, des utilisateurs, à des projets smart city est particulièrement bien illustrée dans le registre énergétique et environnemental. Olivier Lefèvre, du collectif Jules Lesmart, le soulignait avec force lors de ce séminaire FuturoCité. Pour atteindre les objectifs ambitieux de réduction de 55% des gaz à effet de serre d’ici 2030 et, d’une manière générale, d’optimisation et réduction énergétique, tout le monde a un rôle à jouer. “Les objectifs sont hyper-ambitieux mais quand on voit comment les choses se passent, on ne peut que craindre qu’on n’y arrivera pas.”
Certes les initiatives se multiplient à travers le territoire. Mais elles sont éparses, peu visibles. Souvent hétéroclites, non transversales.
Pour ce qui est des autorités locales et des projets smart city, si on se limite à l’optimisation de l’efficience énergétique des bâtiments communaux, on n’atteindra jamais les objectifs Fit for 55. Il faut élargir la perspective à l’ensemble du territoire et de ses acteurs. En ce compris donc le citoyen. “Il faut embarquer le citoyen parce qu’il a un rôle énorme à jouer, en termes d’isolation de son logement, de ses habitudes de mobilité…”
Mais, autre certitude aux yeux d’Olivier Lefèvre, “les communes doivent montrer l’exemple avec ses propres bâtiments. Sans quoi, comment voulez-vous que les citoyens s’engagent?”
Des progrès constants
Au gré des enquêtes et des actions que mènent régulièrement aussi bien FuturoCité que le centre de recherche et de formation Smart City Institute (HEC Liège), autre référent wallon en matière de smart city / smart territoire, on constate que cette approche nouvelle de la gestion territoriale, “intelligente et durable”, gagne petit à petit du terrain.
Les “baromètres” du Smart City Institute ont plusieurs objectifs : “fournir un état des lieux quantitatif fiable de la dynamique smart city en Belgique et en Wallonie ; en mesurer l’évolution ; identifier et comprendre les enjeux des territoires ; procurer aux villes et communes une information pertinente et exploitable pour leurs stratégies ; alimenter la recherche fondamentale dans le domaine des villes intelligentes.”
La dernière édition en date du “Baromètre Smart Cities” du Smart City Institute avait pour objectif de déterminer la situation et/ou les progrès réalisés en termes de perception du concept de smart city, de démarches initiées, et de connaissance du concept de “smart region” tel que défini dans le cadre du programme Digital Wallonia.
En termes de “perception” de ce qu’implique la notion de “smart city”, il s’avère que la grande majorité des communes ayant répondu à l’enquête (113 sur 262) considèrent que ce concept se définit avant tout comme une “transformation numérique”. Viennent ensuite des objectifs d’amélioration de la qualité de la vie et de participation citoyenne.
Questionnées sur les caractéristiques que doivent revêtir les projets smart city, les villes et communes interrogées par le Smart City Institute ont fait apparaître une hiérarchie d’atouts et effets escomptés. Par ordre décroissant d’importance, un projet smart city doit d’abord être… utile, technologique, innovant, durable, inclusif, transversal, participatif, environnemental.
Les obstacles majeurs à une démarche smart city demeurent, dans l’ordre, la barrière budgétaire, un manque d’expertise interne (en planification, réalisation et/ou suivi), et la prise en main et mise en œuvre des technologies (ce dernier facteur étant d’ailleurs en progression sensible, sans doute sous l’effet de l’obligation dans laquelle se sont retrouvées les administrations locales de chercher des solutions “distancielles” à la crise sanitaire…).
Au registre “démarches initiées”, le Smart City Institute constate un statu quo par rapport à son enquête antérieure : 6 administrations sur 10 disent s’être engagées dans une démarche smart city.
Elément motivant ou déclencheur ? Par ordre décroissant d’importance (mais fort proches les uns des autres) : le développement numérique de la commune (55% des réponses), l’appel à projets Territoire Intelligent initié par la Région (54%), la rédaction du Plan Stratégique Transversal.
Priorités thématiques? Environnement, gouvernance, mobilité.
Le rapport 2021 et son volet infographies peuvent être téléchargés via ce lien.
Si le baromètre 2021 du Smart City Institute fait le constat d’un statu quo dans la proportion de villes et communes wallonnes s’étant engagées dans une démarche (projets, stratégie) smart city, FuturoCité, de son côté, tire un diagnostic plus optimiste.
Voici encore deux ans, les villes et communes engagées dans une réelle stratégie ou approche structurée de la smart city et de l’open data se comptaient encore pratiquement sur les doigts d’une main. Les jeux de données ouvertes sur le portail ODWB (Open Data Wallonie Bruxelles) étaient encore rares, “mis à disposition par quelques communes pour tester la chose ou par opportunité”.
Deux ans plus tard, les choses ont sensiblement évolué. Grâce notamment aux actions menées par FuturoCité et à ses formations en mode pratique “Ouvrir ma Ville”, 108 nouveaux jeux de données ont été ouverts et mis à disposition, 26 administrations ont envoyé 47 de leurs collaborateurs se former et 15 administrations (12 communes et 3 intercommunales) ont décidé de passer en mode open data. “On a ainsi vu naître une nouvelle dynamique au sein et entre administrations”, se réjouit Nicolas Installé.
Une dynamique naissante qui est encadrée et alimentée par un groupe de travail open data qui réunit, à une cadence bimestrielle, une vingtaine de communes “dans le but de démultiplier les forces d’action, de mutualiser les bonnes pratiques, les expériences et les enjeux, d’échanger, partager, cocréer.”
Les travaux de ce groupe ont permis d’identifier 17 jeux de données thématiques considérés comme devant en priorité être transposés en ressources open data. Autre avancée concrète : la définition de schémas de données en vue de standardiser les formats de publication afin de rendre les données et processus interopérables. “Ce seront des bases communes pour que d’autres acteurs locaux puissent se lancer plus rapidement.” De quoi favoriser la réutilisation des données, la gestion de leur qualité et éviter les projets et développements anarchiques…
Nicolas Installé (FuturoCité) : “Ouvrir les jeux de données, harmoniser les formats et les conditions de réutilisation afin de susciter un maximum de nouveaux services.”
Les cinq premiers schémas de données normalisés concerneront les thématiques suivantes :
- emplacements PMR
- stationnement des vélos
- travaux de voirie
- équipements collectifs
- circuits touristiques.
Projets futurs du côté de FuturoCité
A l’automne, FuturoCité organisera un nouveau programme de formation Ouvrir ma Ville. Destinataires : des communes, villes et administrations publiques de moindre envergure et/ou devant encore découvrir et s’emparer des principes et potentiels d’une gestion open data dans une perspective smart city / smart territoire.
Les formations (six matinées à suivre à distance) seront de facture moins technique que celles organisées lors des deux précédentes éditions. Objectif : “faire découvrir et comprendre les grands principes de l’ouverture des données, pour faire appréhender aux participants les enjeux techniques et organisationnels que cela représente. Ils apprendront également à mieux cerner l’importance que revêt la qualité des données publiques, les conditions de leur réutilisation…”
Dès l’automne également, FuturoCité ajoutera par ailleurs un nouvel axe d’activités. S’appuyant sur les travaux du groupe de travail open data et les priorités dégagées en termes de jeux de données à “ouvrir” et de schémas de données standardisés, FuturoCité passera à l’étape suivante. A savoir, contribuer concrètement à la création de nouveaux services et micro-services pour les besoins des pouvoirs locaux, du territoire et de ses différents acteurs (citoyens, entreprises…).
Via un partenariat avec LetsGoCity qui mettra sa plate-forme Wallonie en Poche et son expertise à disposition, FuturoCité mettra en œuvre un environnement favorable au développement de nouveaux micro-services pouvant s’appuyer sur les jeux de données en formats standardisés mis à disposition.
Parmi les premiers micro-services qui verront le jour à court terme, citons l’identification des points et actions de collecte de sang à travers le territoire wallon, une solution orientée mobilité douce (trajets et lieux de stationnement pour vélos), une centralisation des balades dont l’organisation ou la supervision dépend des communes et de l’Office wallon du Tourisme…
Pour favoriser la multiplication des micro-services et des socles de données sur lesquels ils pourront s’appuyer, FuturoCité organisera par ailleurs des “défis données” en mode crowdsourcing, afin d’inciter les citoyens à collecter et fournir des données territoriales – de qualité, bien entendu. Avec, en guise d’incitants, des récompenses accordées aux citoyens les plus prolifiques et/ou inventifs.
Dans le même état d’esprit, LetsGoCity mettra à disposition une “boîte à idées” pour le développement de nouveaux micro-services pouvant venir enrichir le répertoire de Wallonie en Poche. “Tout développeur indépendant pourra concevoir et y héberger un micro-service, à condition de respecter la ligne éditoriale [qui sera définie dans les prochaines semaines] et les formats standardisés définis”, souligne Julien Gilon, directeur de LetsGoCity.
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